[Ouvert à tous] : Dans la caverne

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L'aventure avait à peine commencé, que l’aîné de la famille Walric était déjà en piteux état. Côtes fêlées, contusions, auriculaire manquant, plaies... Autant de blessures qui auraient pu être source de plaintes incessantes, mais il n'en fut rien. Car là n'était pas encore le plus grave : sa rencontre avec les mystérieux poulpes lors de la recherche de l'équipage l'avait plus amoindri psychologiquement qu'il ne le laissait croire. Lors de ses rares périodes de repos, lorsque Celendrak fermait les yeux, il revoyait encore l'horrible illusion que le monstre lui avait fait subir : son propre corps en proie à l'agonie, seul en se vidant lentement de son fluide vital, les membres arrachés.

Cependant, de simples cauchemars ne sauraient l'empêcher de mener à bien son devoir premier, servir la Maison. Aussi avait-il décider de rester silencieux quant aux tourments qui assaillaient son esprit, ne voulant pas inquiéter les autres membres de l'expédition aillant déjà fort à faire avec leurs propres conditions. On pouvait toutefois distinguer, dans les moments de faiblesse les plus évidents, que le jeune guerrier peinait à calmer le chaos ambiant qui régnait à l'intérieur de ses pensées. Cela arrivait surtout dans son sommeil, lorsque le conscient cédait sa place à l’inconscient. Ainsi la nuit, ses peurs prenaient vie et on pouvait parfois l'entendre gémir d'une douleur fictive dans les bras de Morphée.

Ce n'est qu'une fois les premières lueurs du jour arrivées que son calvaire nocturne prenait fin. Afin de se vider la tête et oublier l'espace d'un instant son corps endolori, il avait donc entrepris de mettre à profit son expérience d'artisan en opérant un petit tour de maintenance de l'équipement de ses compagnons d'armes. Ceux qui avaient voulu polir leurs armes, ou redresser les bosses de leur armure avaient en conséquence pu trouvé satisfaction auprès du forgeron, tout amateur qu'il soit. Outre offrir ses services, il avait bien sûr voulu activement participer aux tâches quotidiennes de la petite troupe, désormais échouée en terre inconnue.

Il était justement en train de prendre machinalement soin de son épée adorée, quand il entendit la faible voix du Seigneur entre deux coups de pierre à aiguiser. Il suspendit donc son oeuvre, non sans être soulagé de savoir que l'état de l'intéressé s'était stabilisé. Puis sans un mot, il écouta d'une oreille attentive le rapport d'Elloriah.

C'était là un début d'aventure bien erratique. Une île qui tenait de l'asile et avait eu raison de la santé mentale de l'extrême majorité de l'équipage, sitôt suivie d'un naufrage ayant cette fois jalousé la vie des matelots en ne laissant en vie que la tête de pont de la Maison. Et maintenant, un complot réprouvé visant vraisemblablement à attenter à la vie du Duc ? Des crustacés chitineux carnivores plus grands qu'un Homme ?

Il n'en fallu pas trop de la vie chaotique et du parcours original de Cederwynn pour préserver face à cet exubérant chapitre un flegme d'un stoïcisme remarquable. Il faut dire que ce genre d'extravagances fut longtemps son quotidien. Et il ne serait pas mentir que d'affirmer qu'il continue de l'être.

Désormais que la condition de son époux était stabilisée, la duchesse s'était efforcée de trouver de quoi consolider leur position. Mais le butin était bien maigre. Des planches éparses et pour la plupart détrempées, des restes de vivres pourris ou trop imprégnés d'eau salée. Le gibier même de ces confins escarpés se faisait rare et capricieux. Parfois un maigre bouquetin défiant les lois de la gravité, comme on leur en connait la surprenante habitude, en grimpant à même les montagnes.
Elle avait donc pris le parti d'apprendre à connaître la nature avoisinante. Ses rares arbres et ses buissons épars. Un œil indiscret aurait pu la surprendre à parler avec, penchée sur des ramures ou le nez levé vers des frondaisons.

Et c'était là ce qu'elle faisait présentement, perchée près d'un tilleul argenté à qui elle semblait entretenir la conversation, non loin de l'entrée de leur refuge.

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