Maison du Coeur-de-Lion
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Forum de la Maison du Coeur-de-Lion, guilde militaire et commerçante JdR sur World of Warcraft - Kirin Tor
 
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 [Alistair Wakefield] : Underwall

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Kiel
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Kiel


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MessageSujet: [Alistair Wakefield] : Underwall   [Alistair Wakefield] : Underwall I_icon20Sam 12 Jan 2019 - 11:17

Spoiler:

Diluvion OST - Diluvion

Reprendre la route.

Il n’y songeait plus, il fallait bien le dire. Surtout après s’être installé à Landebroce, avoir accepté de devenir le médecin du village et mis de côté ses amis animaux pour mieux exercer. La douceur de la campagne des Carmines, cette chaude lumière dorée, ces paysages paisibles, tout cela était l’exaucement de ses rêves d’autrefois. L’accomplissement ultime de son désir de stabilité et d’utilité pour l’humanité. Les saisons s’étaient enchaînées aux saisons, les pluies, les vents, les neiges parfois, le grand soleil, le va-et-vient des gens, les historiettes de village. Toutes ces petites choses qui, petit à petit s’installent et séduisent par leur véracité et leur simplicité. Toutes ces petites choses qui contribuent à une vie bien rangée et paisible. Mais ...
Le sentiment de la route n’avait pas disparu. Il n’avait jamais disparu, juste assourdi par la mélodie de la vie quotidienne. Il n’écoutait plus l’instinct du chemin, des étoiles et du vent dans les cimes, lorsqu’il n’était pas médecin fixe, lorsqu’il était marchombre, si ce mot avait eu un jour du sens. Jusqu’à ce jour de recevoir un courrier de la main de Rislon. Avec le vieux flacon en verre bouché, contenant des sels. Quand il l’avait pris, le nid du vieil albatros qu’il croyait bien construit avait tremblé sous un coup de vent venu tout droit d’un chemin perdu. Mais il l’avait reposé et oublié à sa place sur l’étagère. Du moins, c’est ce qu’il avait cru.

Le coup de vent n’était pas isolé. Il était de ceux qui annonçaient les orages et les tempêtes, le changement à venir et les chambardements. Le vent avait balayé les feuilles mortes de sa nouvelle vie tombées sur l’ancien chemin, qui criait de le redonner à ses pieds. Ses efforts pour endiguer le vent étaient vains. Alors il finit par revenir à l’étagère et à reprendre en main le flacon.
Et c’est comme ça que la dernière aventure d’Alistair Halcyon Wakefield a commencé.

***

A l’aube il quitta sa boutique, apprêté comme à son habitude, mais pas à la mode aventurière. Le timide soleil matinal jouait avec les tuiles d’ardoise noire et les pignons des maisons, caressant les toits humides de la nuit précédente. La fraîcheur imprégnait tout. Il salua les uns et les autres, adressa un mot aimable à cette femme au marché, croisa Lisbeth, son assistante et lui donna ses directives. Tout était comme hier et tout serait comme demain. Immuable et solide. Le vent soufflait fort mais uniquement sur son âme.

Et il s’en fut vers Hurlevent en fiacre. Le trajet prenait quelques heures, aussi eut-il l’occasion de réfléchir longuement à ses retrouvailles d’hier et à tout ce qu’il n’avait pas eu le temps de dire ou de demander. Toutes ces histoires. Et ses regrets. Il dormit le reste du temps, bercé par les cahots de la route, qui était la même que d’habitude et pourtant infiniment différente.

***

Dans la Cité Blanche qui lui rappelait bien d’autres souvenirs, doux ou amers, ses pas le menèrent vers les hauteurs du Quartier des Mages. Oh, bien d’autres souvenirs ici encore ! Les soirées, les tavernes, les visages amicaux ou haineux. Des folies. Il se prit à sourire en y repensant, combien ces situations lui paraissaient désormais futiles. Personne ne lui répondit. Qu’à cela ne tienne, il le garderait. Les murs blancs aux toits violets amoureusement décorés de lierre et de fleurs laissèrent place aux hauts murs et aux portails en fer forgé des belles demeures sur les hauteurs de Hurlevent, des familles bourgeoises et nobles. C’était un monde différent, à part entière, qu’il n’aurait jamais songé fréquenter quelques années auparavant, lorsqu’il parcourait le monde à la recherche de ses secrets et de ses enseignements. Monde de satin et de brocart, cousu de mensonges et d’infamies pour les uns, monde d’acier et d’éprouvantes valeurs couronnées du devoir pour les autres. Par chance, il se trouvait du bon côté de la pensée, ce qui lui permettait de traiter avec les hautes sphères et de tirer son épingle du jeu. Et c’était précisément ce bon côté de pensée qui le ramenait ici. Face à ce portail ouvragé, dont les grilles élégantes formaient le double blason de l’illustre Famille y résidant, à l’aigle aux ailes déployées et à la tête de lion rugissante.

Au-delà de la porte, il apercevait la pelouse verte impeccablement entretenue, à la gilnéenne, et le début d’un bosquet, sur la gauche, qui devait ombrager un bassin ou une fontaine d’extérieur avec ses poissons et ses statues, nécessite d’apparat des bonnes familles et serein appel à la paix et au calme dans un monde en guerre. Une allée dallée menait au perron du manoir, du palais devrait-il dire, tant la bâtisse en pierre blanche s’étendait et dévoilait son ossature de colonnades, de statues, de panneaux sculptés et de fenêtres hautes et vitrées. Retiré du monde, placé en retrait. Sacré, en quelque sorte. Une cloche enchantée décorait l’un des montants du portail, sur une plaque de bronze surmontant une autre, gravée du nom des lieux et il tira sur la cordelette, avertissant immanquablement les locaux de son passage imminent.
Alistair se tourna vers les grilles du Palais du Solstice d’Hiver qui s’ouvraient, tandis qu’un homme âgé mais vif et à la mise impeccable venait à sa rencontre. Erisdar d’Amblerash, le chancelier d’Aiglepic. Une brève rafale de vent salua leur rencontre et souleva quelques cheveux indisciplinés. Les sourires perlèrent sur les lèvres.

« Chancelier. »
« Monsieur Wakefield, quelle surprise. Nous n’attendions pas votre passage. »
« C’est parfois ce que l’on me dit. Je voudrais voir le duc, est-il présent en ville en ce moment ?
« Sa Grâce n’est pas encore revenue de ses obligations militaires, mais le jeune Sire saura vous recevoir, si cela vous agrée. »

***

Les intérieurs, du moins les passages et couloirs, étaient à l’image de la famille d’Althain : sobres, sombres et efficaces. Quelques présentoirs bas offraient au regard des pièces rares et anciennes, des statuettes d’animaux minimalistes et féroces. L’odeur de la cire utilisée pour garder luisantes les boiseries imprégnait l’air. Le manoir avait l’air vide, comme privé de vie. Les regards des serviteurs croisés étaient éteints, fuyants. L’inquiétude sourde les rongeait quant au destin du grand seigneur de guerre absent avec épouse et hommes partis au-delà des mers conquérir ou combattre pour les intérêts de la Maison. Les pas tranquilles de d’Amblerash résonnaient sans trouver l’écho chez ceux de son invité, qui allait sans bruit, occupé à ressentir l’ambiance si particulière de cette famille dont il s’était fait l’allié et l’un des soigneurs. Enfin, ils parvinrent à la porte du bureau ducal. Le vieil homme se tourna vers lui, souriant doucement.

« Je vous laisse aux bons soins du jeune Seigneur. Vous êtes déjà annoncé. Nous nous recroiserons ce tantôt, monsieur Wakefield. »

***

Le ducal bureau était bien plus richement orné que les couloirs, même s’il était impossible de nier les similitudes des styles. S’il conservait la sobriété des boiseries sombres, celles-ci n’étaient pas laissées à nu et se voyaient régulièrement ornées de discrètes incrustations de nacre ou d’ivoire sur les bibliothèques dévoilant des rangées d’ouvrages reliés de cuir fin et d’or ou les vitrines des dressoirs gardant précieusement quelques trésors de guerre et de paix. Entre les meubles, suspendues depuis les poutres du plafond, d’immenses bannières noires à tête de lion ou à l’aigle d’argent alternaient avec des trophées, boucliers et armes rassemblées d’ennemis ou de valeureux alliés de l’ancien temps. Les lignes racées des objets convergeaient vers le bureau, en bois d’ébène d’un noir brillant que l’on croyait veiné d’or, aux pieds sculptés en pattes de lion, couvert en premier lieu par une dernière bannière, qui était cette fois-ci entièrement brodée d’or et à l’aigle ducal. Des dossiers, des encriers et des plumes étaient dispersés à la surface du meuble, rangés avec soin et précision.

Y était attablé un jeune homme au visage fin, encore rond, imberbe rouquin aux yeux gris argent et au regard calme et sérieux, intelligent. Couronné d’un soleil et d’une lune d’or, il était vêtu avec soin d’un ensemble de travail quotidien taillé dans les meilleurs tissus de la capitale, mêlant le noir, le gris, le rouge et l’or, des couleurs qui n’étaient pas celles d’Aiglepic, mais celles du domaine voisin, le Cratère de Percevent. A son index, le sceau de ce domaine, dont le rubis captait les éclats de lumière jetés par les lanternes éclairant le bureau. Dernier détail, perchée sur une pile de feuilles, une petite chouette qui se tourna derechef vers l’arrivant et cligna de ses gros yeux ronds et dorés. L’homme, avec sa compagne animale, dégageait une sensation de pouvoir, pas seulement arcanique, il était Enchanteur de formation, mais de pouvoir étatique, de maîtrise sociale et d’assurance paisible et tranquille, ce calme des grands qui tissent des destins quotidiennement. A laquelle il fallait rajouter celle d’un pouvoir caché, ascendant, céleste : il paraissait touché par la grâce d’une divinité inconnue.
Ainsi était Fingal d’Althain, le digne héritier de la Maison Cœur-de-Lion, l’actuel Seigneur de Percevent et le futur duc d’Aiglepic. Il invita Alistair à prendre place devant lui, dans un siège de cuir brun brillant, après avoir reçu ses hommages.

« Monsieur Wakefield, je suis heureux de vous revoir, même si cela augure peut-être de mauvaises nouvelles. »

Sa voix était douce mais ferme, à peine teintée de l’accent de sa Gilnéas natale.

« Sire, je suis aussi heureux de vous revoir. Je ne vous apporte pas de tempête, je vous rassure. Landebroce se porte bien en ce début d’automne. »
« Si fait. Il aurait été étonnant que la cité de la Famille de la Duchesse ma mère soit prise dans le tourment de troubles intérieurs. Cependant, en voir son médecin loin soulève des questions, auxquelles je ne doute pas que vous répondrez. »

Son regard s’est fait perçant et attentif, presque aquilin. Alistair acquiesça, le sourire au coin des lèvres.

« Je viens vous demander une faveur. Je sais que vous êtes capable d’aller et venir où bon vous semble, sans jamais avoir à vous expliquer auprès du Kirin Tor et j’aurais besoin que vous m’avanciez un trajet rapide vers Aiglepic. »

Le jeune homme haussa les sourcils.

« Auriez-vous quelque information qui me manque et qui justifierait ce voyage vers notre siège de pouvoir ? »
« Rien qui ne concerne votre père, hélas. Moi-même j’aurais aimé, mais ce n’est pas le cas. J’ai un genre de pèlerinage à accomplir, loin dans le Nord, bien après Alterac, et cela ne peut pas attendre que j’y vienne en m’embarquant dans l’un de vos deux navires réguliers. Pouvez-vous m’aider ? »

Il prit le temps d’y réfléchir, avant de laisser un sourire illuminer son visage si neutre et indifférent, comme un rayon de soleil dans un ciel uniformément gris.

« Oui, nous allons vous aider. C’est, après tout, à vous que mon père doit la vie et la sérénité, plusieurs fois. Ce n’est que justice de vous accorder ce que vous souhaitez. Mais dites-moi, où allez-vous ? »
« Vers le Mur de Gilnéas. »
« Prenez garde, monsieur Wakefield. Les séquelles de la guerre de Lordaeron y sont encore violentes. Les réprouvés s’assemblent en Ombrecroc et aux Pins-Argentés, voire seraient en pleine progression en Alterac. Je vous déconseille ce voyage en ces temps troublés. »

Alistair poussa un rire léger.

« La vie sans danger n’est pas savoureuse, sire d’Althain. C’est un compagnon brûlant et exaltant, et que j’ai côtoyé pendant de si longues années que je n’entends pas retarder mon voyage. N’ayez de crainte pour moi, je suis homme de prudence néanmoins. »
« Vous y avez intérêt. Le duc mon père vous en voudrait de mourir aux mains de l’ennemi. »

Le rouquin leva la main. Probablement un signal codé, car le Chancelier rentra dans le bureau, s’inclinant devant lui. La chouette se percha sur l’épaule de Fingal après un saut rapide.

« Monsieur Wakefield désire atteindre Aiglepic. Pouvez-vous lui ouvrir un portail rapide ? »
« Naturellement, Fingal. »

***


Diluvion OST - The Endless Corridor

« Prenez bien garde, médecin. Aucune route n’est sûre au-delà de la Porte du Défilé de la Tourmente. »
« Ils ne me verront pas passer. »

Alistair salua le garde à la poterne sud-est, sur le dos du cheval qu’il avait loué pour ce périple, un hongre bai au caractère placide. C’était la fin d’après-midi et le soleil déclinait déjà à toute allure, se précipitant derrière les montagnes déchiquetées et élevées de l’ouest. L’air était froid et sec, débarrassé de la promesse de la pluie ou de la neige. Il laissa derrière lui la Ville Basse d’Aiglepic déjà plongée dans l’ombre de sa Citadelle, ville typique du Nord, l’une des dernières libres et en développement, froide, humide, qui n’échappait pas aux peines des criminels des bas quartiers, lorsqu’ils ne descendaient pas des monts voisins en cachant leur appartenance au Syndicat. Enfumée, elle vivait au rythme de ses commerces et de ses guildes, dont la plus puissante, celle des Forgerons, détenait tout le quartier sud qui résonnait tout entier des cris des tâcherons et du rugissement sans fin des forges et des fourneaux.

Battue par les vents, par les coups de marteaux mais aussi balayée par quelque chose de plus invisible, quelque chose qui ferait écho sans coup férir à la grâce inconnue qui imprégnait le fils héritier, la puissance troublante de la Foi des habitants. Ceux-là, non contents de prier la Lumière, vénéraient également une allégorie du destin et plus encore, des créatures animales, dieux sauvages mineurs ou chimères sociales, qu’il avait vues gravées sur le bassin de la fontaine de la Grande Place de la Ville, et sur les dix piliers la cerclant. Curieuses fois qui cohabitaient sans trouble, à mille lieues de celle, hégémonique, de la Capitale de l’Alliance, rassemblées dans le but suprême de souder ensemble une société neuve, jeune de quelques années seulement, autour de hautes valeurs et de l’honneur qui imprégnait autrefois le duché d’Aiglepic et dont son seigneur se faisait image vivante. Rigueur et loi martiale faisaient bon ménage ici. La main de fer du duc Kiel tenait le duché dans une poigne serrée et n’autorisait aucun manquement aux règles. Pour autant, celui que l’on disait tyran n’était pas à l’égal des dictateurs du passé et régnait avec la justice au cœur et présentait un visage bienveillant envers celui ou celle qui s’efforçait de se montrer valeureux et honorable, même plongé dans la misère la plus noire. Après tout, il était nécessaire de tenir avec la plus extrême fermeté cette petite terre et ses satellites : le Nord n’était pas tendre et plus encore Alterac, celle qui était encore disgraciée et haïe.

Ces pensées l’occupèrent alors qu’il quittait cette Ville Basse et prenait la route du Défilé de la Tourmente, l’unique voie terrestre pour quitter le duché et remarquable pivot de sa défense. Le soleil couchant embrasait de ses feux les buissons épineux du bord de la route pavée qu’il suivait. Il était tout de même soulagé de quitter ces terres : un mal sinistre les rongeait, souterrain et obscur, que ses sens aiguisés et son lien à la Lumière avaient perçus dans les profondeurs de la Citadelle sur la montagne. Il n’y était pas confiné, loin de là, et quelques mares bouillonnantes d’un liquide noir comme du goudron s’étalaient non-loin de la route, assorties de quelques écriteaux interdisant de les approcher. Personne ne semblait pouvoir y faire quelque chose. Çà et là, des marques fumantes scarifiaient les arbres, comme autant de souvenirs douloureux de l’invasion démoniaque d’il y a deux ans. Elles mettraient autant de temps à disparaître que les voiles de deuil des veuves et des veufs de la guerre et du siège. Il n’y avait que le temps pour les soigner.

***

Le passage dans le Défilé fut assez rapide, en dépit de ses trois kilomètres de longueur, une tranchée à angles vifs dans le granit des montagnes alentours, comme un coup de couteau dans la matière immuable. Les hautes parois grises étaient striées de lignes irrégulières, placées sans ordre apparent, et le quidam sans pouvoirs pouvait aisément être trompé. Quiconque avec une légère sensibilité arcanique pouvait percevoir que certaines de ces failles étaient non-naturelles, tracées par des maîtres poliorcètes et magiquement liées entre elles. Quant à la visée d’un tel système, il apparaissait comme évident : faire s’effondrer les montagnes sur toute armée ennemie s’aventurant trop loin. Il s’agissait là d’une ultime ligne de défense, d’un dernier recours lorsque tout avait échoué. Le médecin frissonna et espéra que personne n’en vienne à prononcer les mots qui feraient tout exploser. Les étoiles du soir étaient à peine visibles dans le défilé, et les sabots du cheval sonnaient contre la roche en produisant un son résonnant et oppressant. Enfin, la sortie et la Grande Porte, gardée ouverte pour les passants, mais bien gardée, se dessina comme une tache de ciel outremer. Il salua une dernière fois les formes de vie locales, deux sentinelles dissimulées dans des postes de garde en hauteur et commença le long et morne chemin serpentant dans les contreforts d’Alterac et descendant vers Hautebrande.

***

Plusieurs journées entières de cheval et il n‘était pas encore près d’arriver à sa destination. Le paysage changeait peu, les étendues vallonnées de Hautebrande offraient des pâtures et des abris idéaux pour un cavalier solitaire. La faune, quant à elle, était effrayée depuis longtemps par les passages de plus en plus réguliers des forces réprouvées venues de Moulin-de-Tarren, qui quadrillaient la région. Celles-là se faisaient plus importantes aux abords de Fort-de-Durn, où l’on entendait régulièrement des affrontements entre les séides de la Dame Noire venus reconstruire le Fort et les forces vives de l’Alliance déterminées à ne pas les laisser faire. Alistair évita avec soin ce coin, tout comme Austrivage la perdue, où des paladins de la Main d’Argent luttaient contre les abominations chancreuses déchaînées par les apothicaires de Fossoyeuse. Plusieurs fois il se cacha dans des fourrés, alors que son chemin croisait celui d’une patrouille. Mais le plus dur était à venir : le passage de la Porte du Midi, qui défendait la frontière avec les Pins-Argentés.

Il allait falloir finir le chemin à pied : il libéra son cheval en lui donnant une claque sur la croupe. Il rejoindrait Alterac à son rythme, ou bien s’arrêterait en chemin et finirait par rejoindre l’une des dernières hardes sauvages qui paissaient encore librement dans certaines localités de Hautebrande. Il profita de la nuit venue, aux plus petites heures où la vigilance se relâche, même pour des morts-vivants, sautant de mur en toit et de toit en mur, usant à l’occasion de ses pouvoirs sur l’ombre pour brièvement disparaître. Il en conçut une joie teintée d’adrénaline, à côtoyer le danger de si près avec uniquement sa tenue de ville sur le dos et sans arme aucune. Chacun de ses gestes était imprégné avec un mélange d’efficacité, de souplesse et d’Harmonie pure, de la voie qu’il avait emprunté un jour et qu’il n’avait jamais su jusqu’à ce moment-là qu’il la connaissait depuis le tout début de sa vie. Le barrage fut bien vite loin derrière lui alors que se dévoilaient les terres détrempées, marécageuses et embourbées du sud de la Forêt des Pins-Argentés.

***

Le chemin était presque terminé. Il longea le Mur de Gilnéas en ruine, esquivant les petits groupes de worgens en maraude comme les Réprouvés factionnaires. Il étendait sa longueur comme une colonne vertébrale brisée et sinueuse, aux pierres parfois disjointes. Le soleil était au zénith et frappait à la verticale les bosquets détrempés et faisaient luire les ventres et les élytres des insectes volants endémique. Tout au bout de la terre, face à l’océan occidental, là où le Mur redevenait régulier et intact, il quitta le sol pour son ascension hasardeuse, comme il l’avait tenté il y a bien des années, mais dans l’autre sens. Le vent, qui soufflait toujours, se leva pour accompagner ses efforts, mais aussi pour jouer avec lui et éprouver sa détermination. Il n’allait pas réussir sans peiner, gagner gratuitement son objectif en n’ayant sacrifié que son moyen de locomotion. Quelques blocs manquèrent à l’appel sous ses pieds ou de farceurs souffles de vent s’amusèrent à rendre ses prises glissantes ou inatteignables.

Mais il n’était pas homme à s’arrêter, aussi poursuivit-il, serein et assuré, d’une prise à l’autre, d’une main à l’autre, sans jamais être gêné par l’absence de son œil gauche. C’était comme s’il en avait un autre, mais fait d’instinct et de magie. Arrivé au sommet, il prit le temps d’embrasser brièvement le paysage et de se remémorer de cette vision, la première, où un homme en tua un autre avec le sourire. La tour d’Underwall n’était plus si loin, et il se mit à marcher, prudemment mais légèrement. Il pouvait presque sentir son but devant lui, l’imaginer, l’entrapercevoir, et c’était peut-être bien le cas ?
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MessageSujet: Re: [Alistair Wakefield] : Underwall   [Alistair Wakefield] : Underwall I_icon20Sam 12 Jan 2019 - 11:26

Spoiler:

La peur, la terreur, la guerre, les patrouilles, les masques, la peste, le feu, les canons,  l'angoisse, la mort, les enjeux, la politique, et encore l'effroi, la paranoïa, le dégoût, la vigilance qui épuise, l'impossibilité de tout repos serein, l'odeur et cette manie qu'on prend vite de ne plus respirer que par intermittence la chair brûlée, le charbon et la poudre, le sang et les corbeaux qui encombrent, qui insupportent mais qui en vivent parce qu'on a pas le temps de s'occuper des corps, parce que les priorités des Hommes sont à la destruction plutôt qu'à l'harmonie.

On aurait pu dépeindre en ces termes ce qui ressortait très nettement d'un poste d'observation tel que le Mur de Grisetête, si ce n'est Le poste d'observation le plus haut et le plus vaste jamais construit de main d'homme depuis l'antique mur de Thoradin. Les hommes de Lordaeron qui reprochent aux gilnéens leur édifice se souviennent-ils seulement qu'ils ont été les premiers à ériger l'égoïsme en architecture. L'histoire montra la voie à Archibald Grisetête de Gilneas, qui inspira son fils. « Ne tend jamais la main à un homme, mon fils. Tiens-toi debout toujours seul, sans l'aide de quiconque. C'est ainsi qu'on différencie les valeureux des faibles ». Le mur de Grisetête était désormais à l'image de la philosophie de son père. Pleine de trou. Autant de creux, de failles et de défauts que le temps et l'Histoire se chargeaient continuellement de mettre à jour. De dire « voyez ? ». D'insister « Concluez ? ». D'assener « Apprendrez-vous jamais ? ».

Mais la pensée de l'enfant, le regard du sage donnait sur autre chose. Une aventure solitaire sur un chemin de ronde large comme deux fiacres à un endroit hors du temps et de son époque. Le roi du monde, et un endroit rêvé pour un rendez-vous au clair de lune ; pour y faire quoi, toutes sortes de choses amusantes ou juste conseillées par l'envie présente de se divertir en courant à tout rompre sans personne pour vous dire de descendre de là. Il régnait là un calme saisissant. Aussi, un vent domestiqué par les énormes merlons et la disposition des chemins pavés en léger renfoncement aidant à profiter des lieux contribuait à ce sentiment irréel en plein cœur d'une région sinistrée. Ce mot n'avait pas lieu d'être à cet instant. Les étoiles.



[Alistair Wakefield] : Underwall Lk1

Et puis devant la toile étincelante, l'ombre de la dernière tour, à quelques centaines de pas à peine, se dressait avec toute la majesté et l'arrogance sereine des ruines presque intactes. Alors qu'il était avec le fantôme, transposé par quelque illusion astrale au pied du Mur, Alistair avait pu observer que la partie la plus à l'ouest était cette tour immense, carrée d'une part, plus ou moins ovale d'autre part, relativement intacte à l'exception de cette petite superposition qu'était la tourelle supérieure au sommet. Elle s'était probablement effondrée sur elle-même à en juger par la disposition des pierres en tas en son milieu, qui lui conférait l'allure d'un énorme chignon coiffant la linéaire structure.

De face, Alistair ne pouvait voir entièrement la partie basse de la tour qu'il devinait se trouver de l'autre côté de l'énorme morceau qui se trouvait entre lui et l'édifice purement militaire. Entre l'homme et la fortification, il y avait cette entre-deux en ruine. Cela avait été quelque chose que ce morceau-là, à n'en pas douter, quand tout était encore vivant. C'était une sorte de maison greffée à l'édifice défensif, et qui donnait sur l'intérieur du chemin de ronde du mur. Elle était à moitié effondrée. De larges poutres des fondations, des étages et de ce qui restait de l'ensemble conférait à la chose un aspect squelettique malheureux. On aurait dit que la mer l'avait rongé comme l'écume dévore la falaise de l'autre côté. Mais de ce côté-ci, point d'écume. Désormais, il n'y avait plus qu'un vide béant effondré sur le mur affaissé à cet endroit. Ce vide séparait le cadavre ouvert en deux de la bâtisse et l'accès à la tour d'une part, le chemin de ronde du reste du mur, où se tenait Alistair, d'autre part. La partie qui semblait la plus apte à mériter le nom de « manoir » des Recellson n'était plus que ruine, et à en juger par l'allure rustique des restes et l'utilisation de bois, terre, torchis, et non de pure pierre de taille, on pouvait dire le faux manoir en fin de compte, si c'était lui, portait bien mal ce titre moqueur pour les uns, en vérité amer pour les autres. Il ne restait au fond plus grand chose de ce qui n'était que simples dépendances, hormis la Tour d'Underwall, qui attendait son visiteur. C'était donc elle, au fond, la véritable demeure du jeune seigneur,  Lendrith Recellson.


On pouvait voir aisément du haut du mur que cette grosse tour était un petit bastion en son temps, doté d'une large terrasse puisqu'un chemin de ronde encadré d'une multitude de merlons s'échelonnait sans discontinuer avec l'ombre arrondies de canons de 12. Sur le mur, Alistair ne pouvait voir exactement ce qu'il avait vu au contact de la fiole de sels. Il n'y avait donc plus de doutes possible. C'était là-haut, sur la terrasse de cette tour, que le dernier acte s'était joué. C'était là-haut qu'Alistair devrait se rendre. Un cri cependant vint transpercer le clair de lune. Alistair n'eut que le temps de faire volte face vers ses arrières d'où provenait le son strident. Il cru alors voir un court instant l'emblème d'Aiglepic transmuté en une chimère monstrueuse  dégageant une intense lumière d'un bleu fluorescent et fantasmatique. Ce n'était pas ça, mais presque : des ailes aux plumes manquantes, un étrange caparaçon fait de cordes et de liens de cuir semblable à un filet ajusté à sa morphologie, un spectre de griffon fendait les airs du chemin de ronde, tantôt battant l'air au dessus des crevasses, tantôt bondissant au galop d'un merlon à l'autre, droit sur sa proie, droit sur le médecin.
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MessageSujet: Re: [Alistair Wakefield] : Underwall   [Alistair Wakefield] : Underwall I_icon20Sam 12 Jan 2019 - 11:28

Gilnéas la fière, Gilnéas l’austère, la digne dans sa souffrance et fidèle à elle-même même dans son entêtement à préférer la solitude à l’entraide des autres royaumes, dont il ne connaissait que d’infimes fragments, quelques facettes de la façon de penser et de la culture, choses qui ne s’apprenaient qu’au cours d’une vie, pas au cours d’un voyage, fut-il de sept semaines. Il avait été sur place, dans les premiers temps de la construction du Mur, dans le nord-est, témoin malgré lui de la fermeture du royaume de Grisetête, alors qu’il visitait régulièrement un jeune homme, un gamin, fou prisonnier de lui-même et du centre de soins dans lequel il avait été laissé. Mais Gilnéas avait un petit quelque chose que le reste des royaumes humains avait perdu, par la faute du Fléau ou tout simplement par la poussée de l’Alliance, cette lumière du soir si particulière lorsqu’elle perçait les nuages bas et lourds de pluie, qui donnait naissance à des ombres fantasmagoriques dans les forêts et entre les maisons. Une lumière qui éclairait l’acier, la poudre et la fourrure et faisait lui un sentiment, celui de la puissance sauvage et pas tout à fait civilisée, à mille lieues des manières élégantes et surannées de la Capitale blottie autour de sa Cathédrale de l’Aube. Une lumière qui se refusait à éclairer les monstres des bois profonds et ceux qui, bien installés dans leurs demeures, attendaient la nuit pour accomplir les méfaits, qu’ils soient violents ou sages, pour l’or, le sang ou le progrès scientifique. Cette lumière n’éclairait pas le cœur de ces gens, pour qui les autres n’étaient rien de plus que des briques de plus dans leur mur.

Là demeuraient les Recellson, en ombres chinoises projetés sur les murs et les merlons, pendus aux poutres pourries et tapis dans les recoins des ruines de la Tour d’Underwall, attendant patiemment le changement de saison, que les souvenirs soient échangés et que l’on veuille bien, de la main, du verbe et de l’œil, célébrer l’éloge funèbre et leur accorder le suprême repos, là-haut, sur la terrasse de la tour, pour clore ce chapitre, jamais l’histoire entière. Il se doutait que quelque part, cela ne se finirait jamais, surtout avec ce frère perdu et cette âme errante. Les fantômes avaient tendance à se manifester aux endroits où ils avaient ressenti, de leur vivant, des émotions intenses, joie, peur ou haine. Il ne serait pas étonnant de l’y croiser ici, à moins qu’il ne le désire pas et soit encore là-bas, sur ce plan de la Mort comme il en existait de nombreux autres ? Peut-être l’avait-il entendu et marchait vers la Forteresse ?

Il était à ces pensées lorsque le cri retentit, porté par une rafale de vent surnaturel. Rêveur mais pas inconscient, il se retourna et fit face à l’apparition bleutée, rayonnante de cette force ectoplasmique des êtres arrachés à la vie dans la violence et inconsolables. La créature chimérique était en colère, sans conteste. Le temps qu’elle soit sur lui, il rassembla ses forces, serein, éveillant entre ses paumes l’éclat fantastique de la Lumière, pure et brûlante. Alors que le griffon spectral fondait sur lui, il tissa une chatoyante barrière lumineuse, formant une bulle ardente autour de son agresseur éperdu.

« Trompe-Cercueil, est-ce toi ? Tu ne me reconnais pas ? Allons, quand même, depuis le temps ! »
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MessageSujet: Re: [Alistair Wakefield] : Underwall   [Alistair Wakefield] : Underwall I_icon20Sam 12 Jan 2019 - 11:30

Spoiler:


Le griffon se changea en une masse fluidiforme dispersée par le choc contre l'orbe jaune qui l'enveloppa si prestement. L'instant d'après, le fantôme était en train de se reconstituer presque instantanément, d'abord en un tourbillon de volutes turquoises se reconcentrant au centre de la sphère, le plus loin possible des parois de magie consacrée. L'oiseau mythique reconstitué réalisa bien vite qu'il était en cage. Ses battements d'ailes étaient ceux de la proie stressée qui cherche à minimiser le contact de son être aux parties douloureuses du piège à loup qui l'entrave, c'est pourquoi il semblait chercher à maintenir difficilement un vol en sur-place, mais ses ailes encombrantes ne facilitaient pas la tâche et chaque fois qu'il frôlait la bulle lumineuse, un cri de détresse étouffé émanait de son bec.

La fureur ectoplasmique qui semblait l'animer avec force lors de son apparition n'était plus qu'un lointain souvenir et il cherchait à entrer en communication avec son piégeur. Ce n'était pas la rancœur qui se lisait dans les pupilles semi léonines de ce fantôme, mais la curiosité. Le cou de la bête se tordit de surprise alors que son regard désormais penché s'appuyait sur la silhouette du médecin.Que faisait-il ici ? Et où est Lendrith ? Pourquoi l'avoir abandonné ? Pourquoi doit-il être seul, à errer dans les brumes voisines de cette tour qu'il doit veiller coûte que coûte, comme un corbeau sur son territoire ? Il serait reconnaissant qu'on le laisse libre. Il ne ferait pas de mal à un ami de son ami. Ce n'est pas son maître, il n'a pas de maître, c'est ce que cet homme lui avait appris. C'était son ami, et lui, Trompe-cercueil, veillerait sur le territoire de son ami tant que cette tour serait debout.

Le griffon se conduirait bientôt comme un guide silencieux par le verbe mais exubérant par la présence réconfortante, riche et généreux en marques d'affections. C'était un canari affectif à taille de géant, mais avec l'intellect d'un enfant. Après s'être présenté en s'inclinant, le griffon éthérée redoubla de petits cris et de frottements d'ailes, de passes enjouées et de regards chaleureux.. Même les hommes qui savent comprendre le langage surnaturel de la nature sont rarement récompensés par la beauté secrète de ce langage hermétique au reste du monde. Mais certaines bêtes ont comme compris comment aider ces hommes à se lier à elle, à leur montrer la voie. Les hippogriffes et les griffons font partie de ces créatures fantastiques. Ils savent faire cela ; Alistair en fut témoin, sans doute une fois de plus.

Une magie s'ajouta à l'autre : le griffon se couvrit d'un étrange phénomène ; semblable visuellement à la marque incandescente que laisse le feu sur la frontière embrasée d'une feuille vierge, séparant la partie carbonisée de l'autre encore blanche. Cet effet d'incandescence, non pas rougeoyant mais d'un bleu encore plus intense fit disparaître l'aspect spectral au profit d'une apparence à peine diaphane. Le griffon se matérialisait sous les yeux du médecin, et l'invitait à monter. A la question qui viendrait, quand bien même la réponse était déjà en germe dans l'esprit de l'homme, le griffon anticipa. Il releva son bec, qui pointait désormais dans la même direction que la pensée d'Alistair : l'ancienne terrasse de pierre, là-haut, au sommet de la Tour d'Underwall.
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